par Torgac » 12/04/14 00:27
Le matériel opératoire fut enfin prêt... la chaise était parée, les perfusions en place, les divers objets tranchants destinés à m'ouvrir le crâne disposés sur la table à côté...
l'elfe manquait de confiance en elle, sa réaction m'avait quelque peu surpris:
-Torgac, je suis vraiment désolée, mais... Je...je ne peux pas faire ça... si je te tuais ou... Non, je suis désolée... je... Écoute, la dernière opération que j'ai pratiquée s'est très mal finie, je ne veux pas que ça arrive à quelqu'un d'autre, qui que soit cette personne... S'il n'y a pas d'autre solution, je n'ai pas le choix, mais es tu sûr d'avoir envisagé toutes les possibilités ?
Je me tournai et remarquai Lohvina, debout dans un coin sombre avec son dinajade sur l'épaule. Elle tenait fermement un scalpel dans la main, observant avec mélancolie son reflet nonchalant dans la lame affutée...
- Tu sais, si ce n'était pas la dernière solution possible, je ne te le demanderais pas...
Une lueur de compréhension passa dans ses yeux...
J'étais quelque peu anxieux, l'idée de laisser ma vie dans les mains d'une puriste ne me plaisait guère. Mais étant donné que je n'avais personne d'autre sous la main, je devais faire avec ce que j'avais, je me dirigeai donc vers le fauteuil opératoire.
Je m'assis et commençai à enfoncer les aiguilles une à une dans mon bras, celles-ci transperçaient mon épaisse peau écailleuse avec difficulté, une se brisa, m'arrachant un cri de douleur lorsqu'elle rencontra le nerf. Je la retirai et en pris une autre, plus épaisse.
Lorsque les produits se mirent à se déverser dans mon organisme, un voile passa devant mes yeux, la torpeur enveloppa mes membres, submergeant mon corps d'une vague de bien-être et je me retrouvai très vite incapable de bouger excepté au dessus des épaules...
Je lui fit signe que j'étais prêt et la tristesse emplissant son regard se mua immédiatement en détermination, une détermination si forte que je cru un instant qu'elle allait profiter de me voir dans cette situation vulnérable pour m'ouvrir la gorge avec mon propre outil et se venger des actes de mon autre personnalité.
Elle se plaça derrière moi, prête à recevoir mes instructions...
Avec une étonnante lucidité vu la quantité de drogues qui se déversaient dans mes veines je commençai:
-Bon, pour commencer, pratique une incision partant du fond de la nuque jusqu'à la partie supérieure du lobe pariétal.
Elle s'exécuta sans broncher.
Je sentis un léger picotement lorsqu'elle commença à entailler ma viande, je pouvais percevoir les infimes tremblements de sa main tenant le scalpel, elle devait avoir des mauvais souvenirs de ce genre d'instrument...
La lame entaillant mon crâne créait une sensation difficile à décrire, pas une douleur, mais plutôt un léger picotement, une brulure quasi-imperceptible qui s'étendait sur ma peau aussi subtilement que le sang chaud coulait le long de mon échine.
- Maintenant prolonge cette entaille à angle de 90° afin de découvrir la partie occipitale et pariétale, stoppe l'entaille à environ 5cm au dessus de mes oreilles.
Elle effectua l'incision avec un calme déconcertant...
- Place les pinces qui sont dans la boite pour empêcher de saigner... et lave avec un peu d'eau afin de bien dégager l'os...
L'eau fraiche me piqua un peu, sans plus...
- Parfait, on va pouvoir passer aux choses sérieuses...
Lohvina me fixa avec un regard horrifié, elle avait l'air de me dire (C'est pas assez hardcore à ton gout...?)
Voyant qu'elle tenait toujours le scalpel ensanglanté dans sa main crispée je lui dis:
- Tu peux poser ce truc, tu n'en auras plus besoin...
Elle parut soulagée...
- Par contre, tu pourrais aller chercher la grosse scie et le vilebrequin qui sont sur le tabouret là-bas?
L'elfe s'arrêta net dans son geste et me regarda avec des yeux grands comme des chakrams, elle resta soufflée un moment puis, elle et son dinajade se retournèrent violemment pour tenter de reprendre leur souffle un peu plus loin...
- Bon, c'est pas que je m'ennuie, mais plutôt que de faire le guignol avec ta peluche, tu pourrais te dépêcher.
Lohvina revint vers moi en s'essuyant la bouche, elle ramassa les outils et reprit sa place...
- À présent, tu devras percer quatre trous aux angles du plus grands rectangle que tu pourras faire sur la surface d'os découverte.
Elle s'exécuta de manière hésitante, mais ses mains fermes empoignèrent la perceuse manuelle et elle commença à forer la surface blanche et lisse. Perçant quatre trous bien espacés mais appuyant un peu trop pour le dernier, elle fit couler mon liquide céphalo-rachidien hors de l'orifice dans un mince filet verdâtre.
- EH FAIS GAFFE ! Tu as dis que tu voulais me garder en vie, montre-le un peu...
Se confondant en excuses, l'elfe se mit à la suite des opérations avec une motivation bancale, je pouvais presque percevoir les frissons dans son dos alors qu'elle sciait mon crâne afin de rejoindre les points et d'ablater la surface osseuse. Le bruit de la scie entamant l'os était insupportable, j'avais l'impression qu'un troupeau de chevaux courraient dans ma tête avec un arrière fond sonore digne des plus belles scènes d'apocalypse. Elle retira la plaque osseuse, découvrant ainsi la dure-mère et l'arachnoïde.
- Bien, à présent tu va devoir inciser la couche de tissu que tu vois et l'enlever avec la pince là. Fais très attention, dès que tu sens un vide, tu arrêtes ou tu risques d'atteindre mon cerveau à proprement parler.
Elle le fit, ces mains recommencèrent à trembler...
- STOOOOOP!
Lohvina émit un petit cri de surprise et laissa tomber les ciseaux recouverts de sang, au sol.
- Va chercher la fiole violette sur l'étagère du fond.
J'entendais le bouchon de verre claquer contre la bouteille tandis que celle-ci, dans les mains tremblantes et moites de l'elfe, arriva à mes côtés.
- Verse en un peu dans ma gorge. Dis-je en ouvrant ma gueule béante.
Elle avait dut croire que c'était une potion médicinale car lorsque je lui en proposai un peu en vantant le gout de cette bouteille de mon meilleur cru de liqueur de cervelle, une lueur meurtrière passa dans ses yeux et elle me lança un regard semblable à celui que je faisait moi-même à ses congénères cobayes en les dévorants vivants.
Passé cette petite crise, elle haussa les épaules et rejeta la tête en arrière et engloutit une gorgée digne d'un gladiateur orc. Je connaissais plus d'une créature d'Hauméa que cette dose aurait foudroyée, mais l'être qui se tenait à présent devant moi paraissait en excellente forme et même, toute trace de peur ou d'anxiété avait disparu de son visage.
Lohvina termina l'ablation de mes méninges et resta muette devant le spectacle de mon cerveau palpitant mis à nu, elle semblait troublée par cette vision, ses mains tachées de sang et les affres de l'alcool et des synapses vieilles de plusieurs décennies se déversant dans ces veines et insufflant le courage de continuer dans son cœur.
-Voilà, c'est presque terminé, maintenant tu vas planter l'aiguille que voici dans la troisième circonvolution depuis le fond de l'ouverture.
Je sentit l'objet en métal s'enfoncer doucement dans mes neurones mais pas la sorte de transe qui était censé résulter de l'opération.
- AKJLORRHRZ, MAANAIAINITEENEJEUANT, APPOOSKSORCHEEUUUH L'AUUUNSJSTRE AIJJMGUILLEEJJE.
Je compris immédiatement que Lohvina avait accidentellement atteint l'aire de Broca, dédiée à la parole, la présence d'un corps étranger dans cette zone m'empêchait de m'exprimer...
Surprise par la réaction inattendue, l'elfe hurla et retira violemment l'aiguille, libérant ainsi mes muscles labiaux...
Un peu perturbé par cet accident, je continuais:
- Enfonce là plutôt dans celle qui est au-dessus.
Complètement terrorisée, Lohvina continua l'opération en gémissant, son dinajade tremblotant observait depuis derrière son épaule.
- Tu sais, tu te débrouilles plutôt bien pour une première en neurochirur...
Soudain, ce fut le flash, je ne pouvais plus parler, je ne pouvais plus bouger et la pièce commençait à s'obscurcir.
Lohvina, interpelée par ma non-réaction, se mit à me hurler dessus pour que je me réveille, mais je m'en foutais, je sombrais dans les ténèbres et, très vite, la pièce et l'elfe partirent en fumée.
Je me retrouvai à flotter dans le vide, pris au dépourvu par une merveilleuse sensation de légèreté, une sensation qui s'estompa vite lorsque je m'écrasai sur un sol bien dur, mais extrêmement sombre, ce qui faisait que j'avais l'impression de marcher dans le noir.
C'est alors que je me retrouvai devant un miroir... Non. Pas un miroir. Juste un autre orc, étrangement semblable à moi par la taille et les traits.
- Bonjour, autre moi. Je suis ravis que tu me rendes visite dans ma prison... dit-il avec un sourire sadique mêlé à un rictus de haine